samedi 21 août 2010

Jérémie, le retour (Haïti).

Effectivement, Jérémie, le retour, car je repasse pour une dernière soirée dans la ville et que demain, c'est le chemin du retour. Déjà...

J'ai laissé, avec regrets, Anaïs et Juliette à la fête des Abricots où j'ai passé une ultime nuit. Il y avait beaucoup d'animation sur la plage, sur la place de l'église hier soir pour une nuit de festivités, riche. Je n'ai malheureusement pas pu assister au concert de jazz, ni aux raras. Je ne sais si c'est le décalage horaire, la chaleur de la journée (qui me fait lever tôt) ou le régime alimentaire. Sûrement les trois, mais je sombre assez tôt le soir. A moins que ce ne soit le mélange de rhum-eau de coco. C'est ça, j'ai pas supporté le mélange. La courte durée du séjour a également des conséquences sur la capacité d'absorption, étonnement croissante, de mon estomac : je mange tout ce que j'aime. Et comme je suis entouré de gourmands, le griot de porc ne fait pas un pli. Encore à midi, on a fait un festin.

Photo 1: Il parait qu'Hemingway venait dans le secteur avant d'écrire son célèbre roman. Ce genre de prises n'est pas rare par ici. Mais je préfère le cochon, ici aux Abricots.



C'est toute une stratégie pour choisir son cochon : du pas de la porte de la maison, de bon matin, on observe les porcidés, en forme athlétique, tenus en laisse par leur propriétaire, passant d'un pas allègre, de gauche à droite, furetant dans le sol, cherchant ici une pelure d'avocat, là un reste de fruit. Oui, les cochons sont bios ici. Voyez que mon bilan carbone s'améliore. On les dirige donc vers un endroit plus reculé de la plage, sous la végétation. En même temps, les commerçants installent leur petite tonnelle le long de la plage. J'en profite quand même pour aller me baigner. Puis, une fois séché, je suis prêt pour la deuxième phase : le retour des cochons bios en pièces détachées. D'abord, une moitié du corps, puis la tête, puis le reste. La viande est donc fraîche. Enfin, quand les gargotes sont prêtes et que l'odeur nous vient aux narines (on a un peu résisté tout de même!), on se déplace pour aller choisir les pièces, coupées menues, tout en restant également attentif à la fraîcheur des bananes pesées (on coupe une banane verte en morceaux que l'on fait frire une première fois, qu'on écrase en second, avant une nouvelle friture). On les choisit quand la 2eme friture se fait devant nous.
Les Abricots est un village de pêcheur, on aurait pu prendre autre chose, de toute façon. Mais le cochon a un goût que je ne retrouve pas ailleurs, dans l'esprit, seulement en Corse.

Alors je viens de rentrer à Jérémie, encore en moto-taxi avant de repartir demain, à 5 heures du matin, à nouveau en moto-taxi (youhou) pour la ville des Cayes où je prendrai un nouveau service de bus climatisé, pour Port au Prince.

Je vais donc faire un dernier petit tour dans la ville pour constater à nouveau que certaines choses ont changé. Le pays n'est pas devenu un pays développé en dix ans mais il y a des transformations et le touriste peut venir par ici sans problèmes.

L'auberge de Juliette, l'Auberge'inn (Rue Bordes), est accueillante avec sa belle tonnelle fleurie devant et ses chambres à la décoration soignée.

Photo 2: La végétation a bien poussé depuis.



Le service est impeccable et c'est un délice de déguster chaque jour, au petit déjeuner, une confiture différente, abricots (attention c'est un fruit différent de chez nous et personnellement, en confiture, si la comparaison est pertinente, je préfère ceux d'ici!), goyave, papaye, chadèque, carambole... Je n'oublie pas le mamba maison (pâte d'arachides).

Photo 3: Un des principaux défis du séjour: rester suffisamment longtemps pour goûter à tout.



Juliette et ses employées s'occupent de tout et là aussi, c'est bio. Surtout c'est bon. Pour voir Juliette en action, allez sur youtube.

Quand on est bien installé, on peut aller faire un tour en ville. Pour cela, il faut choisir le bon moment, plutôt en fin d'après-midi ou à la tombée de la nuit quand les rues s'animent. Faites attention aux taxi-motos car le trafic s'est intensifié. Et éventuellement choisir un bon guide qui saura vous ouvrir quelques portes. J'ai Jean-Bart, mon ami.

On commence par le port et son quai (ici "wharf"), où le bateau de Port au Prince arrive le dimanche et repart chargé de charbon de bois et de bananes vertes, notamment, le mardi après-midi. Mais si on reste sur le pont pour le voyage, mieux vaut venir s'installer la veille.

Photo 4: Non, non, on n'est pas au Québec!



Depuis, le quai, quelques changements, pas forcement positifs, sont visibles dans l'aspect architectural de la ville. Sur la rue Stenio Vincent, qui longe le littoral, les grandes et belles maisons des familles de commerçants mulâtres (métis) qui tenaient la ville, sont dans un état de délabrement inquiétant. Ces bâtisses de bois, de briques et de ferronnerie sont souvent remplacées par du parpaing classique, peint de couleurs parfois criardes.

Photo 5: Exemple de changement dans la rue Stenio Vincent. C'est un des buts de promenade de la ville. Les matériaux venaient souvent directement de Paris ou de La Nouvelle-Orléans.



C'est vraiment dommage que ce patrimoine important de la Caraïbe parte comme cela. Pour résumer, le déclin a débuté avec la dictature Duvalier qui dans les 60's a envoyé ses sbires décimer physiquement une partie de ces familles (les autres ont émigré), en représailles (...) d'une certaine jeunesse contestataire. J'y reviendrai plus tard, avec davantage de détails. Mais la ville ne semble pas s'en être remise. Il y a là, c'est certain, un beau travail de recherche historique à faire.

Le centre du pouvoir de la ville semble, par conséquent, se déplacer doucement vers la place Dumas, au pied de la cathédrale Saint-Louis (dont le clocher a été fissuré par le tremblement de terre du 12 janvier), autour de laquelle se sont installées les boutiques des compagnies de téléphonie mobile, près de la mairie. La place a été aménagée et, pour l'instant, elle n'est pas détériorée. Quand les flamboyants fleurissent...

Photo 6: Jean-Bart me guide sur la place. A droite, le monument érigé en l'honneur des 3 Dumas, dont les origines familiales trouvent leur source dans l'union du "maitre et de l'esclave", sur un domaine colonial, à la sortie de la ville. L'Histoire de France n'est jamais très loin ici.




Photo 7: A la sortie de la ville, en direction de Port au Prince, la rivière de Grand'anse qui donne son nom à la région.



Photo 8: Sur la route des abricots et de l'aéroport, à la sortie de la ville, la plage d'Anse d'azur. Elle est presque devenue la plage des tuniques bleues.



Voila, je vais aller prendre une photo de la cathédrale car je viens de m'apercevoir que je n'en avais même pas une, malgré sa belle couleur bordeaux. Je remonte à l'auberge, passant devant le nouveau bâtiment qui regroupe les différents services des ministères, interpellé, de manière amicale, comme bien souvent
- He, blanc...
Là, je dois courir un peu, comme ca m'arrive, régulièrement, quand je suis content:
-He, monsieur, pourquoi vous courrez ? (en créole bien sûr)
-et pourquoi pas?
-(en écartant les bras) haïtien!
Les choses ne sont pas si simples.

2 commentaires:

  1. c'est un joli voyage dont tu nous a fait profiter, merci !
    et bon courage pour la reprise en france ;)

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  2. Fabuleux ! Rencontres, descriptions, sentiments, analyses, pistes pour aller chercher plus loin (livres et blogs amis) : bravo !
    Sylvain

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