mercredi 27 avril 2016

Un lundi aux Abricots

Depuis Jérémie, il faut deux heures de taxi moto (1500 gourdes A/R) pour se rendre aux Abricots, petite localité à l'ouest, par une piste qui s'est quelque peu détériorée ces derniers temps. On s'y rend en général pour des raisons précises, soit pour rendre visite à l'admirable Mica, soit pour profiter de la jolie plage qui vient baigner le village.

Photo 1 : Avant le lundi, il y a le dimanche soir.
"La petite plaine des Abricots commence au rivage, et va en s'élargissant jusqu'au point où la rivière de son nom, que l'on passe à l'entrée occidentale de cette plaine, reçoit au dessus du chemin la rivière des Balisiers (...). L'anse des Abricots est l'embarcadère du canton, sur son côté Est est un petit bourg où l'on compte 17 maisons. Des canons le protègent.
Feu M.de Spechbach fit commencer en 1774, à cet embarcadère une jettée à trois rangs de pilotis, chargée de traverses et de madriers; ce travail a été achevé en 1775. La jettée a environ cent pieds de long, et porte une grue à son extrémité. Cette entreprise utile n'aura pas une longue durée, car les vers ont attaqué les pilotis."

Moreau de Saint Méry, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle de Saint-Domingue (Tome III), Publications de la Société française d'histoire d'outre-mer, Paris, 2004. (1ère édition 1796)
 On peut y loger ( un seul petit sorte de gîte à qui un peu de concurrence ne ferait pas de mal), y manger dans le très bon petit restaurant qui prend vraiment soin de ses clients ( repas de qualité, bon et copieux, service impeccable, réelle ponctualité, produits de la mer en fonction  des arrivées, prix tout à fait raisonnables...), aller y visiter le marché coloré du lundi matin. En se promenant dans les rues, en croisant la jeunesse locale, on ne manquera pas, comme souvent, de vous interpeller, toujours amicalement:
- Hey, américains?
- Non mon cher, français.
Et puis voilà, tous les produits proposés viennent bien de quelque part et effectivement le village des Abricots est au débouché de plusieurs vallées et on se dit qu'une visite à l'intérieur s'impose. Ayou qui habite non loin du gîte se proposera probablement et fera un bon guide. Il nous propose d'aller voir les sauts Balisiers. Moreau de Saint Mery, au 18ème siècle, en fait déjà mention. Deux heures de marche sont nécessaires pour s'y rendre à travers un paysage champêtre vraiment charmant, même si ici aussi le déboisement commence à être notable. Le long de la piste on rencontrera alors de nombreuses petites cases colorées, des stands pour recharge de téléphone portable (aujourd'hui le téléphone portable est une réalité même dans les coins reculés), les ruines d'une ancienne habitation coloniale, des cochons qu'on imaginera facilement en griot (bio)...
Photo 2 : "La plaine des Abricots peut avoir, dans sa plus grande longueur, Nord et Sud, une lieue d'enfoncement, et environ un quart de lieue dans sa plus grande largeur. On y trouve la sucrerie Spechbach, à la laquelle la rivière des Balisiers procure un moulin à eau. C'est sur cette habitation qu'on voit les plus beaux cacaoyers de la Colonie, qu passent aussi pour les premiers qu'on y ait replantés après la destruction de cet arbre en 1736. Ils ont jusqu'à 25 et 30 pieds de hauteur".

 Moreau de Saint Méry, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle de Saint-Domingue (Tome III), Publications de la Société française d'histoire d'outre-mer, Paris, 2004. 
Bien sûr, le sac de charbon de bois appuyé contre le tronc, à droite sur la photo, ne date pas de la période coloniale...

Vous pénétrez de plus en plus profond, la végétation se densifie sans avoir pour autant l'aspect de la forêt amazonienne... Vraiment c'est beau. On traversera la douce rivière plusieurs fois. Et puis après une dernière petite montée le fameux saut est atteint ( le guide vous demandera probablement une participation de 100/150 gourdes pour payer les propriétaires). L'endroit est rafraîchissant et l'impression d'être loin de tout assez forte.. Il est temps de rentrer et sur le chemin du retour, notre horaire correspondant au retour du marché et à la sortie des écoles, l'ambiance est joyeuse et colorée. Il apparaît évident que ces vallées mériteraient d'être davantage visitées.
Photo 3 : Une gagère non loin du but de la visite.

Photo 4 : Un affluent de la rivière des Balisiers (en allant vers la photo 5...)

Photo 5 : "La rivière des Balisiers prend sa source parmi les rochers, à environ une lieue au-dessus du point où elle se rend dans celle des Abricots, et qui est à environ trois petits quarts de lieue de la mer. Elle avance par cascades. La première est un saut de 15 pieds d'élévation, au-dessous duquel est un bassin, qui donne lieu lui-même à un autre saut ou cascade et à un autre bassin, ce qui a lieu successivement une quinzaine de fois avec plus ou moins de hauteur jusqu'à ce que la rivière coule avec une pente ordinaire." 
Moreau de Saint Méry, Description topographique, physique, civile, politique et historique de la partie française de l'isle de Saint-Domingue (Tome III), Publications de la Société française d'histoire d'outre-mer, Paris, 2004. 




Alors j'aurais pu me garder tout ça... Et puis finalement, que quelques touristes supplémentaires puissent venir par ici peut contribuer à améliorer la situation de certains. Le très joli cadre champêtre ne doit pas faire illusion. A la campagne les gens souffrent, et comme j'ai déjà pu le dire, ici ce n'est pas le paradis pour tous. Mica nous a rappelé que le secteur sortait de quatorze mois de sécheresse. On n'est pas dans l'abondance et la quantité de marchandise que propose les vendeuses du marché est là pour l'attester (malgré l'animation et les belles couleurs).
Mais que la région est belle. (photos au retour)

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